On pourrait aussi appeler ces deux pièces Alléluias en échos, car c’est principalement ce phénomène d’échos, de phrases s’entremêlant qui les caractérisent. C’est, en tout cas, ce à quoi me conduisit le projet initial, qui était de faire dialoguer trois chœurs et un ensemble orchestral dans l’immense nef du musée d’Orsay à Paris. Je profitai alors de l’acoustique particulièrement généreuse pour faire dialoguer des hétérophonies multiples, ainsi que de la possibilité d’avoir des sources sonores particulièrement différenciées grâce à une disposition spatiale particulièrement large.
Dès la première pièce, on voit bien se mettre en place cette écriture où l’élément stable, central, est le marimba associé à des pizzicati de cordes autour desquels apparaissent et disparaissent des nappes de sons flottants dans l’espace des trois chœurs. Cette première guirlande alléluiatique commente la phrase «De profundis, clamavi at te Domine» [Des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur], mais dans une atmosphère de danse rituelle assez répétitive et sereine.
La seconde, plus majestueuse, imposante par ses polyphonies de masses chorales descendantes, commente la phrase «Tu es Petrus et super hanc petrum ædificabo ecclesiam meam» [Tu es Pierre, et sur cette pierre j’édifierai mon église]. Le texte y est souvent martelé de façon syllabique et rythmique, et les formules alléluiatiques deviennent de plus en plus ornées, rappelant les ornementations neumatiques foisonnantes qui caractérisent les alléluias grégoriens qui restent la base de l’inspiration mélodique des deux pièces.
Thierry Escaich