Il s’agit de trois variations sur des chorals imaginaires, ou plutôt de trois procédés de variation exploités par Bach ou ses contemporains. Le choral (fait de nombreuses réminiscences qui s’interpénètrent et vidé de sa substance liturgique) n’y est traité que comme un souvenir.
La première pièce s’élance dans un processus de « trio rapide » et semble dériver du choral Nun freut euch, lieben Christen g'mein, BWV 734 de Johann Sebastian Bach. Le matériau baroque initial est progressivement « pénétré » par des interventions qui vont se transformer, proliférer et se complexifier, du tournoiement initial jusqu’à une sorte d’explosion finale et à un anéantissement du matériau originel.
La seconde pièce se déroule dès le début dans une dualité qui fait se confronter un lointain souvenir du choral Nun komm, der Heiden Heiland, exposé au quatuor soliste, et des volutes mélodiques semblant émerger d’arias de cantates enlacées dans un univers plus brumeux et intemporel. C’est donc dans l’imbrication de ces deux langages opposés que va naître une longue progression, de plus en plus « ornée » (prenant là encore sa source dans les grandes déclamations chères au Kantor), de plus en plus expressive, surplombée à la fin par l’exposition glaçante d’une mélodie de choral imaginaire.
Après une courte période, sorte de « champ de ruines » où ces chorals semblent flotter dans un halo d’harmoniques de cordes, le violoncelle solo reprend ces volutes d’arias expressives et les conduit jusqu’à une troisième pièce, énergique, qui exploite principalement l’idée du canon dans une danse fantasque où les éléments se répondent de façon incisive et rapprochée (à la limite du déphasage plus que du canon, d’ailleurs).
Trois paraphrases donc sur des vestiges baroques, où ces formes anciennes sont revisitées et donnent naissance à des processus formels plus actuels.
Thierry Escaich