Trois instants fugitifs, ou trois peintures de caractères, pourrait-on dire : trois tableaux résolument différents et sans lien thématique apparent. C’est ainsi que se définit au mieux ce quintette à vent.
Au tout début du premier tableau, les éléments semblent se chercher, se former progressivement. Des groupes de croches conjointes énoncées avec rapidité et violence, même dans une nuance pianissimo, des notes répétées haletantes, d’abord lointaines, puis de plus en plus insistantes, un phrasé ample, enfin, se dessinant peu à peu dans le registre grave du basson : voilà les trois personnages qui vont frénétiquement s’enchevêtrer dans un déferlement de notes ne laissant que peu de place aux épanchements plus lyriques qui semblent naître ici et là, et qu’une rafale de sons vient briser.
Même dans le second tableau, ce sentiment d’immobilité initiale, créé par un continuo de valeurs lentes exposées au cor et au basson, n’est qu’illusoire. Il suffit d’écouter la phrase haletante aux contours hachés, clamée par le cor anglais. Il suffit encore de se laisser surprendre par ce scherzo, qui, après avoir par deux fois tenté de briser le calme apparent du début, s’impose, emmenant avec lui l’œuvre dans une série de variations sur le continuo initial vers un sommet où les éléments tournoient sans cesse jusqu’au déchirement final de la cadence de cor anglais, qui souhaiterait renouer avec le commencement de la pièce mais n’en a plus la force.
Le cycle se clôt par une dernière pièce plus homophone au niveau de l’écriture, où l’on peut discerner, au travers de sa rythmique instable, le souvenir d’hymnes comme le Victimæ paschali laudes. Cette pièce se fait ainsi l’écho d’une précédente pièce du compositeur, Cinq Versets sur le « Victimæ paschali », œuvre destinée à son instrument : l’orgue.
Thierry Escaich