Malgré sa division en quatre mouvements, la pièce combine une forme symphonique avec des éléments thématiques récurrents à la manière d’un poème symphonique et d’un concerto pour orchestre. Elle repose sur trois chorals luthériens dont les diverses transformations vont la structurer. Ils sont pris avant tout comme des éléments motiviques ayant traversé les âges, sans véritable référence à leur symbolique religieuse.
Le choral Nun komm der Heiden Heiland, avec sa courbe mélodique semblant tourner sur elle-même, est certainement celui qui va servir à unifier cette fresque symphonique, ne serait-ce que par sa présence dans la courte introduction et ses retours successifs, dans un climat rêveur et aérien, entre les différents mouvements, comme pour assurer une transition naturelle entre les diverses parties de l’œuvre. Si le choral Jesu, meine Freude conduit la pièce vers un climat plus sombre qui caractérise le second mouvement, on voit déjà apparaître le choral final, Ein feste Burg ist unser Gott, et ses notes répétées qui prendront corps dans le troisième mouvement, aux allures de scherzo, pour aboutir à une danse vive et colorée lors du quatrième et dernier mouvement. Mais, avant tout, chaque période de ces chorals est un personnage et l’on doit pouvoir suivre les diverses métamorphoses et superpositions de ces éléments thématiques différents comme dans une sorte de vitrail tournoyant.
Si ma recherche était l’unité de cette grande forme, j’ai voulu assez clairement mettre en lumière un certain nombre de familles instrumentales, et surtout relier cela à la logique du discours dramatique de la pièce. Faire dialoguer des groupes orchestraux, les opposer, les superposer en fonction de l’évolution formelle était mon but principal. Le premier mouvement (vivacissimo) met par exemple l’accent sur la virtuosité des cuivres qui servent de moteur à tout le mouvement, alors que le second mouvement fera davantage chanter les cordes graves tout autant qu’un trio de cordes solistes, lequel sera repris et amplifié dans les deux mouvements suivants par l’ensemble des cordes dans un climat d’intense déclamation. Le troisième mouvement, sorte de scherzo, est marqué par l’utilisation des claviers de percussions mêlés au piano et aux pizzicati de cordes. Ainsi cette forme du concerto pour orchestre permet-elle de retrouver la logique du concerto grosso étendu à tout l’orchestre et au sein de la même pièce.
Thierry Escaich