Si le Premier Concerto pour orgue, composé dix ans plus tôt cherchait, au-delà d’une structure classique en trois mouvements, à aller jusqu’au paroxysme expressif par d’amples progressions et un déroulement psychologique du discours, le Second, plus court et orchestralement plus réduit, s’oriente dès le départ vers des notions d’« espaces sonores » ou de « couleurs ».
Découpé en deux mouvements qui s’enchaînent sans interruption, il commence dans un jeu coloré de masses sonores qui s’entrelacent dans un mouvement de flux et de reflux. L’orgue y est alors traité comme un synthétiseur amplificateur de l’espace orchestral. Si, dès l’apparition de longues gammes en tierces ascendantes, la forme s’oriente vers celle d’un ground avec sa basse chromatique descendante et ses variations successives, ce premier mouvement consiste avant tout en la formation progressive des divers éléments thématiques qui forment le second : motifs en notes et accords répétés, vestiges d’ornementations baroques, polyphonies en écho… Après une brève cadence d’orgue (entièrement écrite), le vivace débute sur les impacts rythmiques caractéristiques de ce deuxième mouvement, sorte de danse à la rythmique sans cesse renouvelée d’où se détache parfois une longue mélodie d’accords en perpétuel canon entre l’orchestre et l’orgue, tout cela dans un entremêlement d’« accords-timbres » créés par le jeu acoustique né du mélange des mutations de l’orgue et des dispositions des cordes dans l’espace. Commence alors une sorte de fuite en avant de plus en plus dynamique durant laquelle l’orgue et l’orchestre dialoguent d’une manière de plus en plus serrée. Un seul moment de temps suspendu arrêtera brièvement cette course, laissant l’harmonie stagner et des polyphonies en tierces s’entremêler dans des canons perpétuels avant une coda brève et survoltée.
Thierry Escaich